Hugues Reip

< Retour | Textes | Écrits

Exposition monographique

Le Quartier, Centre d’Art Contemporain, Quimper
du 18 avril au 21 juin 1998

in Petit journal du Centre d’art contemporain de Quimper n°29

Hugues Reip est né à Cannes en 1964. Établi à Paris, il développe une œuvre nomade, ancrée dans une réalité familière: celle d'un quotidien sans histoire, d'un environnement sans qualité particulière, dont il retient pourtant les aspects insolites, contradictoires, flottants ou fictifs. Recourant à une grande diversité de moyens, ses œuvres travaillent la distance entre le réel et sa représentation, le dessin et la chose, l'objet et son image, le modèle architectural et sa construction.

Invité à investir les quatre salles du Quartier, Hugues Reip a conçu cette exposition comme une vaste mise en scène qui articule des gestes et des propositions différentes. Dans la première salle sont réunis plusieurs travaux réalisés entre 1988 et 1994. Hugues Reip a concentré leur installation dans une partie de la salle, annulant par là même une lecture individuelle des pièces. Y figurent une suite de dessins (goudron sur papier), une série de photographies (un même motif se déplace dans des contextes différents), un ensemble de sculptures (minuscules), plusieurs Robots, 1994. Confectionnés en carton et papier, leur extrême fragilité, ainsi que leur caractère unique, contrastent avec ce qui les définit habituellement : la robustesse, la standardisation.

Non loin s'érige un sèche-linge, entouré d'un drap blanc sur lequel s'inscrivent des séries de rectangles. Interprétation domestique d'un Immeuble, 1993, les qualités propres à un bâtiment sont ici inversées : le dur devient mou, privé de fondations "l'immeuble" est suspendu... Au pied de cette tour, une table porte à l'horizontale des façades d'immeubles. "Dessinées" avec des caractères de machine à écrire, elles se donnent à lire sur un patchwork de tissus, tendu comme un tableau, sur un châssis. En regard de ces pièces, la projection d'une suite de dessins (Lignes, 1994) gravés sur des films transparents, témoigne de détails d'architecture qui semblent revendiquer la troisième dimension.

A l'inverse de la première salle, la seconde est plongée dans l'obscurité. Le carrousel de diapositives d'Automatic, 1997 fait défiler sur un écran suspendu, avec une régularité toute mécanique, 80 images photographiques. Collectionneur de situations fortuites rencontrées au gré de ses déambulations, de micro-événements surgissant par hasard, Hugues Reip est habile à déceler, dans le plus banal des objets ou le plus trivial des sites, matière à surprendre, à inquiéter ou à sourire. La succession de ces 80 vues appelle au récit sans qu'il n'y ait, pour autant, de narration autre qu'accidentelle.

Dans un espace intermédiaire, une vidéo intitulée Feed-back, 1998 montre des formes abstraites qui évoluent continûment dans un mouvement accéléré de kaléidoscope. Ces images ont été obtenues au moyen d'une caméra (de la taille d'un stylo) qui balaye un écran de télévision, lequel retransmet simultanément ce que filme la-dite caméra : elle-même. Une mise en abîme résulte de ce face à face entre prise de vue et diffusion.

Stick Cutter, 1997 titre de la pièce présentée dans la troisième salle, énonce aussi le processus à l'œuvre. Une multitude d'éléments, coupés-collés, se développent dans l'espace. Reliefs et volumes ont été construits à partir de dessins collectés dans les carnets de l'artiste. Au nombre de 80 environ, ils font écho aux images d'Automatic glanées dans le paysage. Des projecteurs à découpes ajoutent à ces formes, plus ou moins abstraites, celles des halos de lumière, qui ne sont pas sans évoquer quelque piste de danse.

L'espace de la dernière salle est occupé par un film vidéo tourné sur les lieux même de sa diffusion. Blow, 1998 (souffle) est le résultat d'une action orchestrée par Hugues Reip qui trouve souvent sur place les moyens d'une nouvelle intervention. Le film montre la chute d'une cimaise qui laisse voir ce qu'habituellement elle masque. La cimaise est à l'espace d'exposition ce que le décor est au cinéma : une construction fictive. Traditionnellement support des œuvres, ce morceau d'architecture muséale devient le protagoniste d'un très court métrage.



Haut de page